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    Se remettre d’un cyclone : restons PARTENAIRES des Birmans 6 mois après Nargis  
  Vous  tous qui avez suivi l’histoire, et si souvent participé, vous vous  souvenez qu’en mai dernier le cyclone Nargis avait dévasté le Myanmar,  y laissant 140 000 morts et 2,4 millions de sinistrés. Puis vous avez  eu plusieurs récits de nos missions sur place, notamment pour sauver la  scolarité de quelque 4000 à 5000 écoliers de Shwee Pyi Tha, grande banlieue pauvre de Yangon. Nous y avons réussi, ainsi qu’à introduire dans  ce pays oublié, enfermé, notre partenaire pour l’urgence l’ONG SOLIDARITÉS, avec laquelle nous avons pu obtenir et distribuer à des milliers de foyers sinistrés des vivres et du matériel du Programme Alimentaire Mondial et de l’UNICEF.  
  Six mois après la catastrophe, nous revoici sur place, avec quatre de nos bénévoles : tous à nos frais, nous venons refaire le point, affronter les problèmes, creuser des pistes...   
   Et d’abord, nos chères écoles de Shwee Pyi Tha, où Partenaires s’active depuis 10 ans.   
  Dans  la plus grande – 2600 élèves – nos travaux s’achèvent, mais des déchets  s’accumulent : des tas de sacs en plastique soulignent de leur bave  multicolore notre allée de ciment,  que nous avons  surélevée pour enfin éviter son inondation à chaque nouvelle mousson.  Une remarque à la directrice, et une volée de gamins en uniforme (longyi vert et chemise blanche) se met à les rassembler dans un enclos d’osier  ! Sur le bâtiment principal, nos piliers de béton ont remplacé leurs  prédécesseurs de bois vermoulus et nos toilettes en dur servent déjà (y  compris l’urinoir, ici pour les deux sexes ?!), alors que celles de  l’UNICEF, en toile plastique sur un cadre de métal branlant, ne sont  nulle part utilisées… Puis nous nous rendons dans une des écoles  religieuses, Tat Oo, où les 3 pauvres classes ont dû trouver refuge  entre les pilotis, sous le vieux plancher du monastère. Nous y avons  implanté un forage à 30 m, avec pompe et réservoir perché, pour assurer  une eau pure à nos nouveaux points d’eau munis de filtres, et édifié de  meilleures toilettes. Mais où trouverons-nous les fonds pour construire  de vraies classes et recreuser le puits effondré qui desservait le  hameau voisin ? Car ses habitants doivent désormais puiser dans la  mare, et donc les élèves auxquels nous fournissons de jour une eau  potable boiront le soir chez eux celle de la mare ! Convenez que c’est  rageant, et même insupportable…  
  Enfin,  cerise sur le gâteau, nous voici à Lein Kone, qui s’intitule fièrement  ‘école sans moustiques, sans ordures, sans tabac’. Première (bonne)  surprise : après avoir longé de belles plates-bandes (elles sont  partout garnies sur ordre des autorités de ‘plantes à diesel’, dont  l’huile peut substituer ce produit, mais ici nous les trouvons bien  feuillues, preuve d’arrosage !), et visité les deux classes, ici très  sages malgré de trop légères séparations de contreplaqué, nous  découvrons une autre salle, au parquet surélevé, qui accueille sur des  nattes plusieurs gamins plus jeunes, dormant membres alanguis tout  contre leurs doudous. C’est une maternelle-pilote, dotée par l’UNICEF  d’une pompeuse armoire livrée vide, mais aussi d’un coffre à livres  bien garni. Les cinq maîtresses, toutes impeccables, nous reçoivent  gentiment et se montrent très ouvertes à la discussion. Elles aussi  voudraient bien une classe supplémentaire… et le dynamisme de l’équipe  donne envie de l’aider dans la mission impossible des enseignants  birmans : beaucoup à faire, sans aucun moyen !  
   Après  la routine, abordons notre nouvelle mission : secourir dans l’extrême  est du delta, bien peu aidé, les villages frappés par Nargis, de  surcroît dépourvus d’eau potable car sis en bord de mer. Pas facile !  Outre la complexité des formalités administratives, il faut louer des  bateaux pour passer les rivières, et surtout une jeep pour affronter la  piste, et aussi hélas les tourbillons de poussière au passage des  autres véhicules, camions d’avant-guerre (celle de la rivière Kwai !)  ou vieux motoculteurs chinois convertis en charrettes-minibus. Deux de  nos amies, caméra au poing, s’estiment mieux placées sur le toit, avec  nos guides, grands amateurs de vin de palme. Depuis mon dernier  passage, on a effacé bien des dégâts, enlevé la plupart des souches  dentelées d’arbres déracinés, couvert les masures avec les bâches de  plastique bleu qui sont le don habituel des ONG, mais plus souvent  refait les toits en chaume local, et Save the Children a fourni des toilettes de fortune, bien mieux acceptées que celles de  l’UNICEF. A mi-saison sèche, une bonne moitié des mares sont déjà à  l’étiage, et les paysannes doivent cheminer plus loin pour remplir les  deux seaux qu’elles accrochent à leur balancier dorsal. Dans la  première école visitée (elle a aussi des toilettes de l’UNICEF,  désespérément immaculées), les enfants nous accueillent en chantant  « tous les paysans sont heureux et en bonne santé », mais bien qu’ils  la filtrent au chinois, l’eau des jarres de terre est sale.   
  Autre  étape : au village de pécheurs de Kalatan, l’école est á reconstruire,  et une ONG a bâti une classe unique, provisoire, en écorces de bambous  croisées. Les gamins s’y entassent, assis à même le sol car ils ont  ainsi les petits bancs pour pallier l’absence de tables. Bon projet… à  faire financer. Très motivés, les villageois nous ont préparé un vrai  festin : soupe de courgettes, porc, boudin et délicieux abats, fort  bien assaisonnés et moins épicés que de coutume, mais aussi – plus rare  – de petits crabes qu’on va jusqu'à dépiauter pour nous. Et un dessert  de riz soufflé nappé de caramel. Faut-il que ‘notre argent les  intéresse’ !  
  Digression :  puisque le village suivant, dominé par un grand phare de métal rouillé,  dispose déjà d’une superbe école neuve (en fibrociment sur charpente  métallique) construite et ‘offerte’ par une compagnie de BTP (trop)  proche des Autorités, nous profitons de la mer voisine pour prendre un  vrai bain, mais de boue, où on enfonce á mi-jarret sans trouver assez  d’eau pour nager. Et le retour en jeep se fait au vin de palme, les  cahots de la piste compensés par les tons roses d’un superbe couchant.   
  Conclusion :  oui, il faut vite bâtir pour tous ces villages sans eau des citernes  recueillant l’eau de pluie captée par les gouttières des toits de tôle  neuve des écoles. Mais non, cela ne suffira pas, car - répétons-nous -  ‘les élèves auxquels nous fournissons de jour une eau potable boiront  le soir chez eux celle de la mare !’ IL NOUS FAUT DONC AUSSI CONVAINCRE  L’UNICEF de distribuer dans tous ces villages, au lieu de toilettes de  campagne inadaptées a la culture locale, des filtres á eau pratiques :  c’est un projet á  
   9800  $ que je tente de leur vendre depuis qu’ils ont renoncé à financer tout  ce qui n’est pas ‘urgence post-Nargis dans le delta’. Rassurez-vous,  dès le surlendemain de ces visites sur le terrain, qui vous auront  peut-être divertis, je suis revenu voir l’UNICEF mon programme sous le  bras, et j’y retournerai la veille de mon départ.   
  D’ici  lá nous aurons vu aussi un orphelinat aux 250 enfants, pour leur  remettre un don de peluches et sous ce prétexte évaluer leurs vrais  besoins. En attendant, SVP aidez-nous déjà á assurer ceux de nos 200  charmants bambins du Bangladesh, ces ex-enfants des rues qui nous  coûtent 5000 Euros/mois.   
  Merci  d’avance, en particulier à leurs parrains et marraines : les 30  euros/mois que nous vous demandons ne reviennent qu’à 7,5 E à qui est  imposable, et OUI, ils sauvent une vie. Voyez comment faire sur notre  site internet :     
    
  Quant au Myanmar, si on voyait les choses de plus haut ?   
  En  mai dernier, on craignait que se propagent des maladies affreuses. Mais  ces robustes pécheurs ont bu l’eau des mares polluées, parfois même par  des cadavres… et ils ont survécu. En juin, on redoutait de ne pas  trouver assez de bras et de semences pour assurer la prochaine récolte.  Et aucune ONG ne serait en mesure de nourrir durant plusieurs mois  plusieurs millions de personnes. Or ils ont trouvé assez de riz, et ont  pu le semer à temps (bien qu’à la volée, au lieu des jolies lignes  usuelles) : foin des famines redoutées.  
  Quant  à l’habitat, il a été rapidement réparé, bien qu’avec les moyens du  bord, et trop souvent l’horrible plastique bleu ou blanc des ONG, à la  durée de vie aussi incertaine que celle des matériaux locaux tellement  plus seyants. Les villages qui tissent la longue feuille de palme dont  on fait les rangées de chaume des toits ont même pu profiter de  l’aubaine pour se renflouer un peu. Ne désespérons donc pas des  capacités humaines, ni du bien-fondé de nos proverbes, au choix : ‘aux  grands maux les grands remèdes’, ou ‘aide-toi, le ciel t’aidera’. Nos  amis birmans l’ont fait, qui se sont tant entraidés pour se relever  d’un tel désastre. A nous de rester leurs PARTENAIRES pour la suite.  
     
  Puisque le catastrophisme n’est plus de mise. 
       
    Christian RAYMOND 
     
    
       
            
               
                                                       
  
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